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Le poème pour dire les poètes contemporains, 8 : la poésie d’Olivier Barbarant Note : Le principe de cette chronique est le suivant : Matthieu Gosztola écrit à chaque fois un poème « sur » l’œuvre d’un poète contemporain. Ce poème a pour fonction, de par et le sens qu’il véhicule et le recours à la forme qui le constitue en tant que poème, de dire quelque chose de cette œuvre et de son mouvement. À la suite de son propre poème, Matthieu Gosztola propose plusieurs poèmes du poète en question. Le mouvement Mouvement de ce qui se tait Mouvement de ce qui parle avec Les couleurs les sensations Mouvement du monde Qui n’attend jamais Pour être mouvement Mouvement de tout ce qui Est la vie Et de tout ce qui accompagne La vie Sursaut d’odeurs de cuirs & de lessives Odeurs de pièces longtemps fermées & ouvertes Ou odeur tombée de La poussière De ce qui est passé Faire venir le mouvement Tout le mouvement répandu Sur les choses Comme une eau (douceur tombée) Le faire venir Dans les mots Dans leur agencement Qui est musique et quelquefois Architecture (oui mais si peu) Voilà ce à quoi s’emploie Olivier Barbarant Les mots Choisis comme Des fleurs (quelques-unes parmi vous toutes, fleurs) Sont choisies Pour devenir Bouquet Et être jetées À la face du temps Qui nous rend seuls quand on est plusieurs Et qui est Quelquefois La mort C’est-à-dire L’absence de réponse Quand une question Troue L’espace Et Nous Sélection de poèmes d’Olivier Barbarant par Matthieu Gosztola Ode au métro Simplon In memoriam Rémi Darne Ce vieux sourire qui lui fut offert, et que sa mort a gercé. Un ciel que l’hiver ébrèche mettant au bleu très pâle ses couteaux transparents Et le soleil qui se faufile à la surface du premier café Voilà pour le décor pendant ce temps à la radio Hurlant pour rien on s’interroge sur le sexe des dinosaures Qui ferait paraît-il énigme un nouveau grand débat Et le savant ou apprenti dont la langue fourche On ne sait pas si c’est un mâle ou un squelette Joli lapsus que la journaliste courtoise ne relève pas Mais le ciel est pareil nul ne sait Est-ce un œil ou des ossements Pour ne rien dire aussi du statut un peu ambigu des anges Qui ne le peuplent plus Sauf de nuages qui sont peut-être leurs débris d’ailes agglomérés Mais je m’éloigne au début je voulais décrire la ville Son silence quelquefois l’arbre malingre que le passage des trains agite Et la maison grise et blanche en face faisant sous les lumières déversées un long miroir éblouissant Chaque matin on voit sur le même morceau d’espace une nuance de temps Faut-il alors parler de la vie qui passe quand elle fuit Avec le compte à rebours des réveils et de fil en aiguille comme on dit Le tissu ça et là qui s’en désagrège Un tulle déchiré j’ai appris récemment qu’on parlait en couture Pour le plus délicat d’un tulle illusion Tout ça qui ne va pas ensemble les dinosaures et les rubans Comme ces linges discrets dans le ciel et la peur qui vous prend juste à réception d’une lettre Avec en vert mauvais l’adresse où peut-être à la fin on vous emportera Étrange lever où l’aube s’étiole finalement dans une lueur de peinture Encore un matin que l’ennemi n’aura pas et qui du coup souriant s’alanguit Tandis que scintille sur les pavés l’eau sale du petit jour On dirait qu’au matin je vis dans mon grenier à hauteur d’aquarelle À ras du faux printemps Au point que tombe de mes lèvres un cliquetis d’astres rouillés Que je ne suis pas loin de prendre pour du grand art ou presque Plus tard sous terre je crois que je regretterai les épaules Et surtout le goût du café C’est curieux de penser qu’il n’y a guère dans la vie que des étreintes et des aurores D’ailleurs cette chanson c’est pareil on la fredonne simplement pour s’y glisser Et puis dormir comme autrefois avec aux quatre coins du lit un bouquet de pervenches Jusqu’à ce qu’un plus beau matin sur du papier mâché déplie ses anémones En ai-je fini nom de dieu avec ces jolies pensées de fleuriste Il faudra bien un jour en finir avec tout Mais quand même plus tard je me demande quand il sera question est-ce qu’on saura Quand j’imagine le savant doucement dénouant l’invraisemblable tapisserie des corps encore enchevêtrés Nos squelettes mâles ou femelles ? Odes dérisoires et quelques autres un peu moins L’ombre dit : Cette neige odorante tendue à bout de bras Dans le vernis des feuilles et le velours du ciel ne servira de rien L’avenir véritable est tapi parmi les racines L’ombre dit : Ton printemps brûle des erreurs Et ses flocons d’aurore pour moitié traînent déjà sur le sol gris Très vite la rosée les tache et le vent les soulève et le soleil les racornit L’ombre ajoute : Les fleurs les plus fières sont des étoffes à flétrir Dès que fanées paraissant les cotons salis d’une infirmerie dans les branches À tant défier la lumière on devient source tôt tarie L’ombre dit : Toute beauté comme la tienne est en attente du bourreau Dans l’arène les fins tissus servent à irriter la bête Le sel ainsi que tu répands prend des airs de provocation On ne s’expose pas longtemps à la corne du temps qui passe La terre est patiente et froide sous tes étoiles suspendues Tremble dans chaque transparence une promesse de tombeau L’ombre dit : Celui qui plonge son visage dans ton petit jour en morceaux A toujours cru en la splendeur comme de plus sages aux idoles Les yeux fermés dans ta douceur il oublie d’abord qu’il s’aveugle Il aura beau quand redressé tresser des phrases et des guirlandes Faire ongles d’anges les pétales ou bien des paupières d’enfant Dans tes frais et pâles soleils il se détourne du grand feu L’ombre dit : Ton écume percée de safran n’est qu’une illusion de regard Tu ne sais rien de ton secret et voilà pourquoi tu fleuris Sitôt reconnue ta candeur ferait spectacle d’elle-même C’est d’ailleurs bien trop s’épuiser pour un fragile candélabre Une brève averse suffit à ruiner tout ton édifice Ce rien de givre pour un dément seul forme abri Que diras-tu de ton malheur devant tes larmes renversées Cette espérance que tu fus n’était qu’un mensonge de plus Voilà tes branches crucifiées portant l’absence au lieu de fleurs L’oranger : – Si je n’ai brillé qu’un instant J’ai du moins décoré l’horreur. Essais de voix malgré le vent Né à Bar sur Aube le 5 mars 1966. Sort de la maternité un jour de neige en plein printemps, selon la légende familiale. Enfance en Champagne (Nogent-sur-Seine, Troyes). A pour école maternelle la résidence nogentaise de Flaubert. Aime déjà les chats, l’herbe mouillée, l’odeur de l’encre et les pages blanches. Au collège, latin et espagnol. Veut lire Lorca. Arrive en région parisienne à l’âge de 13 ans. Études en banlieue : lit Gide, Balzac, Aragon, Camus, Desnos et Musset, déambule à Thiais dans le Parc de l’ancienne résidence de Maurice Thorez. Idolâtrie adolescente pour Racine, qui demeure. Découvre Colette et Saint-Simon, Proust et Verlaine. Amours nombreuses, anarchisme proclamé, alors assez militant. Baccalauréat en 1983, puis classes préparatoires au lycée Henri IV. Habite désormais à Montmartre, découvre une bourgeoisie cosmopolite et cultivée qui ne lui ressemble guère, mais où il se fait de vrais amis. Études de Lettres modernes à l’ENS de Fontenay Saint-Cloud (agrégation en 1989, doctorat à Jussieu, sur Aragon, en 1994). Lit ses contemporains, va d’enthousiasme en enthousiasme. Découverte en khâgne de Hölderlin, Jaccottet, Roud. Propose ses premiers textes publiés : une critique littéraire d’abord dans la revue Esprit, puis un hommage à Gustave Roud paru dans la Nrf de Réda, un salut à Francis Ponge (« La corbeille ») accepté par Jean-Michel Maulpoix dans Recueil. L’éditeur de cette revue, Patrick Beaune, directeur des éditions Champ Vallon, accepte en 1992 le manuscrit de son premier recueil, Les Parquets du ciel. Il sera désormais « son » éditeur, avec une belle fidélité. Vit à Paris, et selon les caprices des affectations universitaires, puis secondaires : Besançon, Saint-Quentin. Découvre aimer la province à 24 ans. Des amours sérieuses, si fugaces. Précipitation et couples désastrés fournissent à 28 ans l’impression d’une vie de multidivorcé, parfois de veuf. Des morts, des amours, des livres, des restaurants : sa vie les entasse, et pleure – un peu trop. De nombreux chats, dans le même temps : Nusch, Biboune, Méphisto. Colloques, articles, contributions variées : à Digraphe, la Nrf, Recueil puis Le Nouveau Recueil, Théodore Balmoral, Po&sie, Europe, Le Mâche-laurier... Des colloques universitaires, à rythme un peu trop soutenu, si bien qu’il en épuise précipitamment les joies. Bonheur cependant d’avoir rencontré Heddi Kadour, Jacques Réda, Michel Deguy, Jacques Borel, James Sacré, Jean Ristat, Bernard Noël, d’avoir été reçu, pour une sorte de visite au maître, par Philippe Jaccottet à Grignan. Ressent une douloureuse fierté à l’idée d’avoir eu la chance de croiser André Frénaud et Gaston Miron peu avant leur disparition. Épuisement aussi des plaisirs des articles – trop nombreux, à y bien penser – pour les dictionnaires des auteurs et des œuvres qui n’ont eu de cesse de fleurir au fil de la décennie 90 : a refondu quelques notices du Laffont-Bompiani, a rédigé bien des notices du Couty-Beaumarchais, a contribué à celui du Livre de poche et celui des PUF. Mais aime toujours saluer les textes qui lui plaisent, dans Recueil, Europe ou ailleurs. Dirige quelques numéros de la revue Recueil (Littérature et Enseignement) et Nouveau Recueil (L’usage du quotidien). La Guerre du golfe achève une évolution politique amorcée depuis longtemps déjà : il défile en compagnie des communistes, convaincu d’être à sa place. Des relations complexes vis-à-vis de l’appareil lui interdisent cependant de se reconnaître pleinement dans ce qu’il comprend pourtant comme le seul reste de ce qu’on appelait la gauche, du temps qu’on savait parler. Depuis 1994, installé à Saint-Quentin en Picardie. Enseigne au Lycée le plus populaire de la ville, avec bonheur. En 1995, rencontre Véronique Elzière, qu’il appelle Bérénice dans ses livres, sa compagne, son amour, sa nouvelle vie. Adopte Cosette en juillet 1995, chatte tricolore qui rivalise de beaux yeux avec Bérénice. Écrit tantôt en prose (Douze lettres d’amour au soldat inconnu, 1993, réédité en 1995 ; Temps mort, journal imprécis, octobre 1999) tantôt en vers (Les Parquets du ciel, 1992, Odes dérisoires et quelques autres un peu moins, 1998) et parfois sur d’autres – et c’est presque toujours des poètes, et souvent Aragon (Aragon, la mémoire et l’excès, 1997 ; introductions et notes pour la réédition d’Hourra l’Oural et de Persécuté persécuteur chez Stock, publication d’inédits d’Aragon sous le titre Garde-le bien pour mes archives chez Stock). Ne sait pas exactement « ce qui le possède et le pousse à dire à voix haute », comme disait l’autre – mais demeure certain que la qualité d’une écriture ne saurait tenir qu‘à la profondeur de l’intimité qu’elle atteint. Bibliographie • Élégies étranglées, Champ vallon, 2013 • Je ne suis pas Victor Hugo, Champ vallon, 2007 • Essais de voix malgré le vent, Champ vallon, 2004 • Temps mort : journal imprécis (1986-1998), Champ vallon, 1999 • Odes dérisoires et quelques autres un peu moins, poèmes, Champ vallon, 1998 • Aragon: la mémoire et l’excès, Champ vallon, 1997 • Douze lettres d'amour au soldat inconnu, Champ vallon, 1993 • Les Parquets du ciel, poèmes, Champ vallon, 1991 |
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