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Lycée Jules Froment – Cours de français – E. Philippon - Année 2011-2012 La poésie (1) Une parole humaine et divine On considérait en son commencement que la poésie était moins une parole humaine que divine. Les premiers poètes étaient des espèces de prêtres païens chez qui mêlaient l’histoire des dieux et des hommes, le mythe et la réalité. De là les grands poèmes épiques que sont par exemple L’épopée de Gilgamesh, L’Iliade et l’Odyssée, etc. La lyre primitive (à l’origine du mot lyrisme) avait une caisse de résonnance en carapace de tortue. Le mythe veut qu’elle ait été offerte à Apollon, le dieu de la beauté par Hermès le dieu des voleurs qui avait beaucoup à se faire pardonner. Dans la Bible, un livre réunit des prières poétiques. C’est le « Livre des psaumes ». La plupart de ces textes sont attribués au Roi David (1000 ans avant J.C.) Il est probable qu’ils ont été transmis oralement pendant des centaines d’années avant d’être enfin consignés. Les troubadours occitans Le mot troubadour vient du verbe occitan trobare, inventer, trouver. Il désigne des poètes du Moyen âge, essentiellement du XIIème et du XIIIème siècle. Si leurs œuvres demandaient un accompagnement musical, il ne faut pour autant pas les confondre avec les musiciens professionnels (ménestrels) et encore moins avec les histrions (mimes, jongleurs ou bateleurs). S’exprimant en langue d’Oc (L’Occitan, parlé au sud de la Loire ils sont considérés comme les premiers maîtres européens de la poésie lyrique et étaient salués par Dante lui-même. Leur devise était : « "Joi, Joven et Amor" (Joie, Jeunesse et Amour). Ils célèbrent les femmes pour lesquelles ils invitent au plus grand respect. Plus même que des vers, on peut dire qu’ils ont inventé le sentiment amoureux qui serre encore les cœurs des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Présentation Qu’est-ce que la poésie ? Elle fait partie de ces choses subtiles qui disparaitraient si l’on pouvait les définir précisément. Bien qu’on cherche à l’exprimer par des mots, elle comporte une part d’ineffable, d’indicible. De même l’amour ne peut se réduire à ce que l’on en dit ; de même la religion ne peut se contenter de mots, fussent-ils sacrés. A ![]() Souvent, on appelle poésie tout ce sur quoi on n’arrive pas à mettre des mots : « Certains se font de la poésie une idée si vague qu’ils prennent ce vague pour l’idée même de la poésie » (Paul Valéry) Peu importe. On ne peut pas demander à la poésie ses papiers d’identité. Ce serait contre sa nature Nous ne parlerons pas ici de la poésie en elle-même, par exemple de la poésie que si dégage d’un paysage, d’un être aimé ou de la vie, mais seulement du genre littéraire qu’on qualifie de poétique. ![]()
Souvent, on distingue le genre poétique des autres genres en ce qu’une poésie est écrite en vers (avec des rimes et retours à la ligne) et non en prose. Si je parle normalement, on dira que je parle en prose. La prose est le langage de tous les jours. On fait de la prose « sans le savoir » comme disait monsieur de Jourdain dont se moque Molière. Pour désigner un sujet sans grand intérêt ou bas, on dit quelquefois qu’il est « prosaïque ». Par contre dans la poésie, les mots sont toujours soigneusement choisis, vivant à une sorte de perfection dépassant celui qui les prononce à un moment particulier. La poésie était d’abord orale et chantée, elle célébrait les dieux et les mythes. Le poète était considéré comme inspiré par les dieux, une sorte de voyant, quelquefois de prophète. La perfection formelle de la poésie a aussi une fonction mnémotechnique. La poésie est faite pour rester dans les mémoires et se graver dans les pensées de générations en générations. La poésie (2) Un exemple de vers libres ________________________________________ Lorsque Baudelaire envoya à son éditeur ce projet d’Epilogue pour la seconde édition des Fleurs du mal, il se promettait de l’étonner. En effet, ces vers ne riment pas, ils sont « libres » ! Tranquille comme un sage et doux comme un maudit, …j’ai dit: Je t’aime, ô ma très belle, ô ma charmante… Que de fois… Tes débauches sans soif et tes amours sans âme, Ton goût de l’infini Qui partout, dans le mal lui-même, se proclame, Tes bombes, tes poignards, tes victoires, tes fêtes, Tes faubourgs mélancoliques, Tes hôtels garnis, Tes jardins pleins de soupirs et d’intrigues, Tes temples vomissant la prière en musique, Tes désespoirs d’enfant, tes jeux de vieille folle, Tes découragements; (…) Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte. Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence, Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. * * * Un exemple de calligramme ![]()
A-t-on raison pourtant de réduire le genre poétique à ce qui est écrit en vers ? On a commencé au XIXème siècle à écrire des petits poèmes en prose. Ceux de Baudelaires (Le spleen de Paris) sont restés célèbres. Mais comment un poème peut-il être en prose ? Selon Suzanne Bernard, un poème se définit par sa « gratuité ». Il n’a pas d’autre vocation que de produire chez le lecteur un sentiment poétique qui l’élève au dessus de lui-même tout en restant au plus proche de ce qu’il est. Déjà Baudelaire avait inventé le vers libre, c’est-à-dire un vers qui n’est pas soumis aux exigences de la rime. Avant lui, les romantiques et notamment Victor Hugo avaient pris leurs distances avec des règles qu’ils jugeaient trop strictes et inutiles. C’est à chacun de trancher selon sa sensibilité. Un poète américain (Robert Frost a écrit : « La poésie en vers libres, c'est comme jouer au tennis sans filet ». On peut lui répondre que justement, il ne s’agit ni d’un jeu ni d’un sport). Guillaume Apollinaire va beaucoup plus loin en inventant les calligrammes, c’est-à-dire des poèmes qui sont en même temps des dessins. En effet la poésie n’est plus alors faite pour l’oreille mais aussi pour les yeux. Elle devient alors dépendante de l’écrite alors qu’elle lui est antérieure et exigeait seulement une voix et une mémoire humaine.
I On doute La nuit... J'écoute : Tout fuit, Tout passe. L'espace Efface Le bruit (…) Victor Hugo Les Djinns I ne faut pas confondre le vers et la phrase. Une phrase, c'est ce que nous composons spontanément quand nous nous exprimons; elle comporte au minimum un sujet, un verbe; elle commence par une majuscule et se termine par un point. Le vers correspond à une ligne. En poésie classique, il a un nombre précis de pieds ou de syllabes et se termine par une rime (répétition de mêmes sons). Par exemple, à la fin du poème de Victor Hugo ci-contre (Les Djinns), on peut compter huit vers, mais seulement quatre phrases. Les vers libres occupent toujours une ligne, mais peuvent ne pas rimer ou n'avoir pas le même nombre de syllabes.
C'est un ensemble de vers séparé des autres par un saut de ligne à écrit et un silence à l'oral. C'est à peu près l'équivalent d'un couplet pour une chanson. Selon le nombre de vers qu'elle regroupe une strophe porte un nom différent. Elle peut être un quatrain (4 vers), un quintil La poésie (3) Le mètre Il existe des mètres pairs et impairs. Verlaine dit préférer le mètre impair plus musical : De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Verlaine, Art poétique Rares sont les poèmes dont les mètres font moins de sept syllabes mais ils existent. Jouant sur les rythmes, ils ont des airs de jeu ou de chanson populaire. Les vers sont appelés :
(cinq vers) un sizain (6 vers) un huitain, un neuvain, un dizain, un douzain. Mais le distique et le tercet ont trop peu de vers (2 et 3) pour former une strophe à part entière. Une strophe est dite isométrique quand elle est constituée d'un seul type de vers, hétérométrique quand elle est composée de plusieurs types de vers. Une organisation réglée des strophes et des rimes définit les poèmes à forme fixe.
Autrefois, la poésie s'accompagnait toujours de musique, c'est pourquoi elle a un rythme régulier. Le mètre, c'et le nombre de syllabes prononcées. La plupart des vers ont un nombre pair de syllabes. Le « e » muet se prononce quand le mot suivant ou la syllabe suivante commencent par une consonne. Sinon, on dit qu'il est mis en élision.
P Poème trisyllabique : ____________ Tant fraicheur Que douceur Laisse moi avec toi mon aimée m'enivrer des parfums du matin où survivent Ô plus vives les senteurs les couleurs du grand lit qu'à la nuit Notre amour Alentour est allé Encenser Tant fraicheur Que douceur Stéphane Charles our respecter le mètre, il faut parfois dissocier deux sons ordinairement unis (diérèse) et unir deux sons que l'on aurait pu séparer (synérèse). Monologue de l'amour maternel (Monosyllabes) Qu’on Change Son Lange ! Mange, Mon Bon Ange. Trois Mois D’âge… ! Sois Sage : Bois. Charles Cros Et je regardais, sourd à ce que nous disions , (12 syllabes, synérèse sur disions) Sa bure où je voyais des constellations .(12 syllabes, diérèse sur constellations) Victor Hugo, Les contemplations, En marche, 1834 On appelle enjambement le procédé qui consiste à reporter sur le vers suivant un ou plusieurs mots nécessaire à la compréhension du vers précédent. Cela donne du souffle au poème, crée une amplification. Chaque instant te dévore un morceau du délice À chaque homme accordé pour toute sa saison... (Baudelaire) Le rejet et le contre rejet sont des types particuliers d’enjambement qui permettent de mettre en relief un mot. Dans un bon poème, ils ont toujours un sens : J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore M'enveloppait.- Eh quoi! n'est-ce donc que cela? Baudelaire (rejet) Un enfant accroupi, plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai Rimbaud (Contre-rejet) La poésie (4)
U On doute La nuit... J'écoute : Tout fuit, Tout passe. L'espace Efface Le bruit (…) Victor Hugo Les Djinns ne rime, c'est la répétition d'un ou de plusieurs sons à la fin de deux vers. Dans la poésie classique, rime féminines et masculines doivent alterner. La rime est dite féminine quand elle s'achève par un « e » muet. Dans le poème de Victor Hugo : L'espace /Efface est une rime féminine. La rime est dite masculine dans les autres cas. Par exemple : La nuit/ Tout fuit. On distingue trois valeurs de rimes :
On distingue trois dispositions de rimes.
Dans un poème, certains vers peuvent être regroupés ensembles et séparés d’autres vers par un saut de ligne. On parle alors de strophes. (La laisse médiévale n’est pas une strophe : « tout d’une laisse » signifie « à la suite » ; par contre une laisse a une unité de mètre et de rime). Selon le nombre de vers qu’elles regroupent, les strophes peuvent être nommées :
La poésie (5) C Exemple de Rondeau (Vincent Voiture) Ma foi c'est fait de moi, car Isabeau M'a conjuré de lui faire un rondeau: Cela me met en une peine extrême. Quoi! treize vers, huit en EAU, cinq en ÊME! Je lui ferai aussitôt un bateau. En voilà cinq pourtant en un monceau. Faisons-en sept en invoquant Brodeau, Et puis mettons en quelques stratagèmes Ma foi, c'est fait. Si je pouvais encor de mon cerveau Tirer cinq vers l'ouvrage serait beau. Mais cependant me voilà dans l'onzième, Et si je crois que je fais le douzième, En voilà treize ajustés de nouveau. Ma foi, c'est fait. Exemple de ballade (François Villon) Frères humains, qui après nous vivez, N'ayez les coeurs contre nous endurcis, Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Vous nous voyez ci attachés, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s'en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Se frères vous clamons, pas n'en devez Avoir dédain, quoique fûmes occis Par justice. Toutefois, vous savez Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis. Excusez-nous, puisque sommes transis, Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale foudre. Nous sommes morts, âme ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! La pluie nous a débués et lavés, Et le soleil desséchés et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Prince Jésus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A lui n'ayons que faire ne que soudre. Hommes, ici n'a point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! ertains poèmes respectent des règles fixes (ou figées) très strictes. Elles décident de leurs mètres, de la valeur et de la disposition de leurs rimes, de leurs strophes, etc. Ces formes ont en elle-même leur propre perfection qu’il s’agit pour chaque poète d’actualiser. Voici les principales :
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