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quatre grands écrivains. Les coryphées de la poésie étaient appelés par excellence « les sept génies du premier ordre et les sept génies du second ordre. » Ils effaçaient tous les hommes de leur siècle par le goût de la poésie et du vin 15, et la renommée de leur talent littéraire s’élevait plus haut que la constellation Pé-téou (la Grande Ourse). L’accord intime de leurs pensées et de leurs sentiments occupait tout l’empire. Tous les hommes se disputaient leur amitié comme autrefois celle de Tao-séou 16 et de Kiao-han. Chacun exaltait en eux la grâce séduisante de l’immortel Li-thaï-pé et de Ho-tchi-tchang, de Youen-tchîn et de Pé-lo-tiên. Nous ne finirions pas de les citer tous. On en comptait d’autres qui possédaient l’élévation et la noblesse de Pao-tchao et de Yu-sîn 17. Les maîtres et les disciples se transmettaient les leçons de ’Eou-yang-sieou 18 et de Sou-tong-po ; les amis et les camarades voguaient ensemble dans le même bateau comme Li-ing 19 et Kouo-taï. p.009 On faisait des traités de paix comme celui qui eut lieu sous les murs de Li-hia 20 ; aux quatre frontières, on cimentait des alliances comme celle de Yên-tcheou 21. On peut dire avec vérité que c’était l’époque la plus florissante de ce siècle. Ce jour-là, dès que le tribunal des rites eut publié l’ordre impérial, tous les mandarins, grands et petits, qui se trouvaient dans la capitale, écrivirent chacun une lettre de félicitation et vinrent, l’un après l’autre, la présenter à l’empereur. Ces lettres, qui n’avaient d’autre but que de louer les mérites du souverain et de célébrer ses vertus, n’étaient pas d’une grande conséquence ; mais chacun d’eux, fier de montrer son talent, avait déployé tontes les ressources de l’art et toutes les richesses du style. Le fils du ciel se rendit en personne dans la salle latérale, et les examina lui-même avec le plus grand soin. Il remarqua, dans toutes ces pièces, des expressions d’une beauté merveilleuse et des passages faits pour exciter l’admiration ; son âme sainte en fut transportée de joie. — Puisque tout l’empire, dit-il, possède un si grand nombre de sujets doués de talents, je reconnais que le président du tribunal de l’astronomie ne m’a point trompé en annonçant la splendeur éclatante de la constellation p.010 Wén-tchang. Je suis touché des félicitations que m’ont présentées tous les magistrats, et il convient que j’y réponde en les invitant à un banquet solennel. Par là, je montrerai, comme un magnifique spectacle, le prince et tous les sujets d’une même époque qui partagent la même joie. Aussitôt, il rendit un décret qui ordonnait à tous les magistrats de se réunir le douzième jour de la troisième lune auprès de la porte appelée Touân-mên 22, pour prendre part au banquet impérial. Dès que cet ordre suprême eut été publié, tous les magistrats furent transportés de joie, et firent éclater leur reconnaissance pour les bienfaits de l’empereur. Le jour du festin étant arrivé, on put juger que le gouvernement était vertueux et que le ciel lui était favorable. En effet, ce jour-là le ciel était pur et brillant, le soleil répandait une douce chaleur, l’air était calme et une multitude de fleurs étaient épanouies. Le fils du ciel se rendit en personne à la porte appelée Touân-mên. Au bas des degrés qui y conduisaient, on voyait étalés avec ordre les mets du festin impérial. Lorsque tous les magistrats eurent fini de lui présenter leurs hommages, il ne resta que quelques membres du conseil privé, qui se mirent à table en face de l’empereur. Tous les autres fonctionnaires, suivant l’importance de leur charge, étaient rangés et assis en ordre, à droite et à gauche, au bas des degrés. Sur chaque table, le fils du ciel ordonna de placer un pot de fleurs renommées du jardin impérial, pour leur offrir un heureux symbole du printemps. p.011 Aussitôt que ce décret eut été rendu, tous les magistrats frappèrent la terre de leur front, pour le remercier de ce nouveau bienfait ; puis chacun alla s’asseoir à la place qui lui avait été assignée. Au bout de quelques instants, la musique impériale fit entendre la voix du dragon et le chant du phénix, et l’on servit dans des vases de jade les mets les plus rares que fournissent les montagnes et les mers. On peut dire avec vérité que les hommes ordinaires n’ont rien qui puisse se comparer à la richesse et à la magnificence de l’empereur. Nous tâcherons d’en donner une idée : « L’éclat du trône resplendissait de toutes parts ; le prince recevait autant d’hommages que le soleil et la lune qui brillent au haut des cieux. Ses bienfaits augustes se répandaient à grands flots. Mille magistrats étaient réunis dans le palais de l’Hibiscus 23 et dans celui de Kiên-tchang ; l’oreille était charmée des modulations variées des loriots, dont les ailes effleuraient la terre. Dans les neuf enceintes 24, où les derniers feux du jour ravivaient l’éclat des étendards, on était enivré des couleurs riantes du printemps. Les mets provenaient des parcs de l’empereur. On y remarquait p.012 des foies de dragon, de la moelle de phénix 25, des petits de léopard, des lèvres de sing-sing 26, des bosses de chameau, des paumes d’ours, des grillades de hiao 27, des queues de li, et les produits les plus recherchés des montagnes et des mers. On ne finirait pas de décrire les saveurs exquises de ces huit trésors de la table. La musique était celle du palais. On entendait jouer l’air 28 de l’Harmonie générale, de Hoang-ti ; l’air des Six fleurs, de Ti-ko ; l’air des Cinq tiges, de Tchouên-hio ; l’air de la Grande splendeur, de Yao ; l’air de l’Heureuse succession, de Chun ; l’air de la Grande extension, de Yu ; l’air de la Grande protection, de Tching-t’ang ; l’air des Grands exploits, de Wou-wang. On ne se lassait pas d’écouter les paroles et les sons harmonieux de ces airs neuf fois répétés. Du milieu des rangs, les riches costumes étincelaient aux rayons du soleil. On y voyait brodés des cigognes, des faisans durés, des paons, des oies sauvages, des faisans blancs, des cormorans, des huppes, des cailles, des pies et des loriots. La foule des convives, qu’animait une joie bruyante, était assise, en avant et en arrière, au bas des degrés. Les bonnets et les diadèmes brillaient comme des étoiles. On distinguait le bonnet de ceux qui p.013 présentent les sages 29, le bonnet du mouton divin 30, le bonnet du faisan doré 31, le bonnet à ailes de cigales 32, le bonnet à queue de pie 33, le bonnet à colonne de fer 34, le bonnet à surface dorée 35, le bonnet de ceux qui poursuivent les méchants 36, le bonnet de l’amitié et de la déférence 37. Tous ces officiers étaient remplis d’une crainte respectueuse. Les uns se retiraient, les autres accouraient pour recevoir de près les ordres bienveillants du souverain ; ils contemplaient la joie qui animait son visage céleste, et sentaient avec bonheur la diffusion égale de la douce rosée 38 ; ils savaient que sa bonté est la même pour tous. Ceux-ci transmettaient ses décrets bienfaisants, et en distribuant des arcs rouges 39, ils faisaient briller la sincérité de son cœur ; ceux-là, inclinant la tête et fléchissant les genoux, présentaient de sages avis. Heureux de la protection du ciel 40, ils célébraient les grâces dont ils étaient inondés. Ils juraient de le chérir comme un père et d’imiter ses vertus. Lorsque le prince disait oui, p.014 souvent les ministres disaient non ; ils auraient rougi de se prêter à des flatteries complaisantes. Ils désiraient ne pas se retirer sans être ivres, mais, comme il y avait à gauche un inspecteur et à droite un historien, quel est celui qui aurait osé manquer aux convenances ? Le prince, voulant mettre le comble à la joie de ses conseillers intimes, leur fit distribuer, par respect pour les usages de sa dynastie, la chanson des ministres enivrés par ordre impérial 41. Mais ceux-ci, quoique touchés de ce nouveau bienfait du prince, choisirent, parmi les meilleures délibérations des siècles passés, la Remontrance pour le renvoi d’I-ti 42, et la lui présentèrent avec une noble fermeté. Jamais ne régna une plus heureuse alliance des lumières et de la vertu. En ce jour, aux sons du tambourin et des cloches, des flûtes et des guitares, (harmonieux interprètes de la musique) du vent et des nuages, du dragon et du tigre 43, on vidait des coupes joyeuses. En voyant le ciel et la terre unis par p.015 une douce harmonie, on souhaitait à l’empereur une longévité de dix mille ans, une existence sans bornes, comme celle du soleil et de la lune, des montagnes et des collines. » Après que le prince et les sujets eurent bu assez longtemps, les membres du conseil privé, voyant que la musique avait été exécutée à trois reprises et que le vin avait circulé neuf fois, craignirent que la multitude des officiers ne se laissât troubler par le vin et ne s’écartât des convenances. Ils quittèrent en conséquence leurs sièges et, se mettant à la tête des magistrats, ils allèrent se prosterner devant l’empereur. — Sire, dit l’un d’eux, grâce à votre bonté sainte, nous avons pris part à un splendide festin ; à peine pouvions-nous espérer ce beau jour où vous nous avez inondés de vos augustes bienfaits, mais nous craignons que quelques personnes ne boivent avec excès et ne s’oublient dans l’ivresse, au point de manquer aux convenances et de blesser les lois du royaume. En conséquence, nous venons, à la tête des magistrats, pour offrir à Votre Majesté nos actions de grâces et nos adieux. L’empereur leur ordonna d’abord de se relever, puis leur adressant la parole : — Malgré mon peu de vertu, dit-il, j’ai reçu du ciel l’héritage de cette grande monarchie. Aussi m’affligé-je chaque jour de ma négligence et de ma paresse ; heureusement que, grâce à la noble assistance des maîtres et des hauts dignitaires qui m’entourent, l’intérieur des quatre mers (l’empire) jouit d’un calme parfait. J’en remercie sincèrement mes vénérables ancêtres qui me soutiennent par leur protection, et le Ciel p.016 suprême, qui m’a fait naître et qui m’a conduit à l’âge mûr. Avant-hier, le président du bureau impérial d’astronomie m’a annoncé que les astres offraient d’heureux présages et m’en a rapporté le mérite. Un juste sentiment de crainte m’a empêché d’accepter cet éloge, mais les ministres n’ont point admis mon refus et m’ont en outre présenté des lettres remplies de louanges pompeuses. Je ne possède nulle vertu qui puisse justifier des témoignages aussi flatteurs. C’est pour moi un nouveau motif de rentrer en moi-même et de m’examiner avec crainte. Quoi qu’il en soit, il est aisé de voir que le prince et ses sujets ont une même vertu et un même cœur. C’est pourquoi, j’ai choisi ce jour de printemps pour boire gaiement avec mes grands officiers, et montrer au monde les nobles idées qui animent, dans le même siècle, les hommes les plus renommés par leurs lumières et leurs vertus. Je veux qu’ici chacun s’affranchisse un peu des lois de l’étiquette, pour mieux exprimer son amour et son dévouement. Nous n’oserions, il est vrai, imiter les désordres et les excès des anciens, qui passaient les nuits à boire, mais, comme les jours du printemps sont déjà assez longs, nous aurons le loisir de nous délecter ensemble. Songez uniquement à atteindre le comble de la joie. Quand même vous vous laisseriez aller à de légers écarts, je n’y ferais pas attention. — Sire, dit un des membres du conseil privé, puisque telle est l’immensité de vos bienfaits, on croirait voir ici non seulement un prince avec ses sujets, mais encore un père avec ses enfants. Quand nous sacrifierions tous notre vie pour vous servir, comment pourrions-nous vous p.017 témoigner dignement notre reconnaissance ? Nous obéirons respectueusement à vos ordres. — Je sais, ajouta le prince, que le sublime et auguste empereur qui a fondé notre dynastie, toutes les fois qu’il donnait un repas à ses officiers, exigeait qu’on en rehaussât l’éclat par des vers ou des chansons. Avant-hier, le président du bureau impérial de l’astronomie m’a annoncé que la constellation Wén-tchang brillait d’un éclat extraordinaire. C’était signe, suivant lui, qu’il existe, dans le jardin de la littérature, des écrivains illustres qui prêteront le secours de leurs talents à une administration sage et éclairée. J’ai examiné hier les lettres de félicitation que m’ont adressées tous les magistrats ; elles sont toutes d’un style pur et d’une écriture élégante. Beaucoup d’entre eux ont fait preuve d’un talent extraordinaire. On peut dire que cette époque est la plus brillante de notre siècle. Dans ce jour de printemps qui voit les hommes de mérite réunis ensemble, il est juste qu’on compose quelques chansons ou quelques poèmes que nous puissions transmettre à la postérité, afin que la solennité pompeuse de ce jour ne s’éteigne pas dans l’oubli. — Sire, dit l’un des membres du conseil privé, lorsque les empereurs Yao et Chun avaient chanté à plusieurs reprises, leurs ministres Yu et Tsi les saluaient et exaltaient leurs paroles. Depuis la hante antiquité, ils ont eu pour émules beaucoup d’augustes empereurs et de sages ministres. Les saints édits sont l’âme d’une administration sage et éclairée. Il convient d’en adresser un aux nombreux officiers de Votre Majesté pour qu’ils composent soit des éloges ou des remontrances, soit des pièces de p.018 vers réguliers ou libres, et ajoutent ainsi à l’éclat de votre règne sublime. L’empereur fut enchanté de ces paroles. Comme on était encore occupé à causer et à discourir, tout à coup deux hirondelles blanches descendirent du haut des airs et vinrent voltiger devant l’empereur. On les vit, tantôt se balancer à droite ou à gauche, tantôt s’élever ou s’abaisser. La grâce et la légèreté de leur vol capricieux rappelaient les évolutions rapides ou mesurées d’une habile danseuse ; c’était un spectacle charmant. Le fils du ciel les ayant regardées avec attention, son âme sainte en fut comblée de joie. — En général, dit-il, on estime les oiseaux de couleur blanche, et on les considère comme étant d’une espèce rare. Quelle en est la raison ? — Sire, répondit un des ministres, nos connaissances sont trop faibles pour que nous puissions en approfondir la cause et l’expliquer clairement. S’il était permis à un esprit obtus et vulgaire d’émettre une conjecture, j’y verrais peut-être cette idée de Confucius : « La peinture d’un tableau vient après la blancheur du fond. » L’empereur hocha la tête en signe d’approbation44 ; puis, l’interrogeant encore : — Savez-vous, dit-il, si la tradition nous a conservé quelques belles pièces de vers des anciens sur les hirondelles blanches ? — Sire, répondit l’un des ministres, comme je remplis, à ma grande confusion, la charge de membre du conseil privé, je suis accablé par les affaires administratives, et il y a longtemps que j’ai cessé de cultiver la poésie et la prose élégante. En vérité, je n’en ai aucun souvenir. Je supplie Votre Majesté d’adresser un décret aux membres p.019 de l’Académie des Hân-lîn. Vous en trouverez sans doute qui seront en état de vous satisfaire. L’empereur n’avait pas encore ouvert la bouche, lorsqu’un académicien nommé Sié-kiên, qui avait la charge de lecteur impérial, sortit des rangs et se prosterna à terre. — Sire, dit-il, ce n’est pas que |
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